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Transformation des organisationsCoaching d'organisation : l'alliance dans la supervision d'équipes de coachs

20 mars 2022

Le coaching d’organisations est une pratique d’accompagnement en forte émergence dans les organisations, qui vivent comme nous pouvons l’observer, de profondes transformations.

Face à cette complexité des systèmes, le coaching d’organisations pose comme postulat, qu’un système est nécessaire pour en transformer un autre.

Typiquement français selon certains, mal connue du monde anglo-saxon qui parle d’ « Organisation Development », le coaching d’organisations est en train de définir son identité et d’explorer l’efficacité de différents modèles d’intervention.

Parallèlement à cela, le coaching au sens large est en train de se structurer en France : reconnaissance des certificats dans le répertoire national des métiers, formalisation de référentiels de compétences grâce aux fédérations et inscription dans les chartes déontologiques de pratiques clés.

Parmi ces pratiques clés : la supervision…Et c’est à celle- ci que je m’attacherai dans cet article, plus particulièrement à l’alliance dans la supervision d’équipes coachs d’organisations.

Pourquoi ?

D’une part, parce que plusieurs éléments font de la supervision du coaching d’organisation un impératif : complexité des systèmes accompagnés, possibilité de se faire happer par les systèmes clients, enjeux d’exploration d’un métier en émergence.

D’autre part, le peu d’écrit sur l’alliance dans la littérature au sujet du coaching, et en particulier dans la supervision et dans le coaching d’organisation, a attiré mon attention.

Pourquoi aussi peu de recherches sur le sujet alors que nous savons combien dans notre travail de coaching, l’alliance avec nos clients est un pré-requis pour collaborer avec efficacité ?

De plus, mes expériences au sein d’équipes coachs d’organisations, avec des réussites variées de cohésion, m’ont amené à réfléchir à plusieurs questions :

Aurions-nous pu éviter les ruptures si nous avions travaillé notre alliance avec plus de  conscience ? L’avait-on suffisamment bien travaillé ? Nos superviseurs travaillaient ils avec nous notre alliance en tant que tel ?

Pour traiter ce sujet, il me semble important répondre à plusieurs questions préalables à l’exploration de l’alliance dans la supervision de coachs d’organisations :

Qu’en est-il des pratiques de supervision de coachs d’organisation ?

Comment l’alliance au sein des équipes impacte-elle de manière spécifique leur efficacité ? Et celle entre le/la superviseur.e et l’équipe ?

La supervision d’équipes coachs d’organisation a-t-elle des spécificités particulières, notamment par rapport aux supervisions collectives « classiques » ? Si oui, quels en seraient les tenants et aboutissants ?

Les équipes de coachs d’organisations fonctionnerait-elles comme des équipes « habituelles » avec ses stades de développement ?

D’un point de vue méthodologique, une analyse quantitative a été réalisée par un questionnaire auprès de coachs  d’organisations. 24 y ont répondu.

Une analyse qualitative a été constituée par l’interview de 10 superviseurs dans différents champs : superviseurs de groupes et superviseurs d’équipes de coachs d’organisation.

NB : Dans un but de simplicité de lecture, les mots ont été employés au masculin. A savoir, superviseur englobe les superviseures et leurs confrères. Toutefois, nous prêtons une attention particulière à l’égalité professionnelle et ce parti pris est une convention plus qu’une conviction.

Qu’est-ce le coaching d’organisations ?

Personne n’a la solution, nous pouvons seulement y arriver ensemble !

L’idée est n’est pas ici de rentrer dans de grands détails sur le coaching d’organisations mais d’y introduire un cadre de référence commun sur lequel portera cet article.

Ainsi, « le coaching d’organisation est une pratique d’accompagnement visant à aider une entreprise à trouver par elle-même et en elle-même ses propres solutions, à mobiliser les ressorts et les ressources de sa compétitivité. » (Dugois, Béon, Gauthroun 2016)

« Un coaching d’organisation assemble ainsi différents types d’interventions : formation, « team building », cohésion d’équipe, coaching d’équipe, développement des équipes et à minima, quelques recommandations. » (Moral, Henrichfreise 2012)

Nous pouvons ajouter que la posture des coachs d’organisations est une posture coachs, ayant pour objectif de travailler sur l’émergence des phénomènes dans les organisations et en restant garant des processus de travail.

Le but est d’amener les acteurs d’une organisation à prendre conscience de ce qu’il se passe en son sein et mettre en place les dispositifs, permettant de trouver des solutions adaptées, sur mesure et transformatrices.

Le coaching d’organisation se différencie du conseil en management du changement, qui amène en général des réponses sur le contenu de ce qu’il y a à mettre en place par les organisations.

Les principaux acteurs du coaching d’organisations considèrent que les clients sont accompagnés par des des équipes de coachs, elles-mêmes en supervision de pratiques.

Le Cecorp, Cercle Européen des Coachs d’Organisations Professionnels, en est la fédération de référence, assumant ainsi la définition du code de déontologie de la profession.

Plusieurs autres fédérations, comme l’EMCC ou la SF Coach, travaillent aussi sur le coaching d’organisations.

Définition de l’alliance en supervision de coaching d’organisations

Aucune définition n’a été clairement posée dans la littérature sur l’alliance dans la supervision de coaching d’organisations.

Toutefois, nous pourrions proposer une définition à partir de différentes définitions existantes dans des pratiques connexes.

Définition de l’alliance en thérapie

« L’alliance thérapeutique se définit comme « la combinaison suffisante de proximité et de similitude que le thérapeute affiche avec le client pour que ce dernier lui accorde la confiance nécessaire à la réduction de ses résistances naturelles à changer son cadre de référence.

Il y a donc :

– un but à l’établissement de l’alliance (aider le client à changer son cadre de référence),

– un obstacle à réduire (la rigidité du cadre de référence),

– un moyen (la confiance accordée au thérapeute lorsqu’il est ressenti comme suffisamment proche, soutenant, compréhensif, informé, sécurisant) de réduire la difficulté de changer de cadre de référence. » (Nasielski 2012)

La définition de l’alliance en coaching individuel

L’alliance de travail « reflète la qualité de l’engagement du client et du coach dans un travail collaboratif et intentionnel au sein de la relation de coaching, et est négociée et renégociée conjointement tout au long du processus de coaching au fil du temps » (O’Broin & Palmer, 2007, p.305)

L’alliance en supervision

« L’alliance en supervision est bien entendu un peu particulière puisque superviseur et supervisé partagent un même savoir sur la profession…. Ce qui importe en fin de compte est la capacité créative du système formé par le superviseur et le supervisé. L’alliance permet alors aux deux de progresser » (Moral-Lamy 2015- p 154-155)

L’alliance dans la supervision de coachs d’organisation

Si l’on transpose ces différents éléments à l’alliance dans la supervision de coachs d’organisations, nous pourrions dire que l’alliance comporte les dimensions suivantes :

  • Une combinaison suffisante de proximité que le superviseur construit avec l’équipe de coachs afin que celle-ci s’engage dans un travail éphémère avec un client
  • Dans le but d’aider celui-ci, à savoir ici l’organisation, en tant qu’entité propre, à se transformer, selon un contrat défini
  • En travaillant avec l’équipe de coachs, sur les obstacles l’empêchant elle-même de se transformer et d’être opérante pour le client accompagné.

Les différents niveaux d’alliance dans le coaching d’organisations

La multitude d’interactions entre les différents systèmes lors d’un coaching d’organisation nous amène à décrire les différents niveaux et ceux que nous traiterons dans cet article.

« Nous avons affaire à un empilement de systèmes plus complexes :

  • Un système où l’organisation est en interaction avec son marché
  • Le système où les représentants de l’organisation interagissent avec l’équipe de coachs
  • Le système constitué par l’équipe de coachs et son superviseur » (Moral-Henrichfreise2012- p 81-82)

L’alliance au sein de l’équipe de coachs

La spécificité du coaching d’organisation est qu’un système est accompagné par un autre système. Le système des coachs constitue une équipe.

Lors des interviews réalisées auprès de superviseurs de coachs, ceux-ci soulignent la nécessité de faire équipe pour accompagner le système client.

L’équipe devient ainsi l’outil de la transformation, là où se vit la transformation qui peut être utile pour le client.

« La qualité de l’équipe de coachs prédétermine en grande partie la qualité des accompagnements réalisés » Dugois, Béon, Gauthroun 2016

Le travail d’alliance au sein de l’équipe de coachs est donc critique afin que elle réussisse à traverser, non seulement les étapes délicates de sa vie d’équipe, mais aussi comprenne ce qu’il se passe chez le client à travers elle. Toutefois, il est à noter que l’alliance dans l’équipe de coachs n’est pas spécifiquement travaillée, en tant que telle, en supervision, selon les superviseurs interrogés.

Ils le mentionnent, dans leur majorité, comme un élément clé du travail à faire par l’équipe. Ceci implique pour l’équipe une maturité professionnelle et une autonomie dans son travail d’alliance.

Les coachs d’organisations sont d’ailleurs des professionnels seniors ayant une expérience longue et multiple dans les organisations.

Lors des supervisions, les superviseurs valident que l’alliance au sein de l’équipe de coachs a été travaillée, mais focalise leur travail sur leur alliance avec l’équipe d’une part, et l’alliance de l’équipe avec le client d’autre part.

Ce point est d’ailleurs corroboré par l’enquête quantitative auprès des coachs qui mentionnent que se faire superviser compte pour seulement 18% dans les facteurs constitutifs de l’alliance au sein de leur équipe. Le savoir-faire et l’expérience  d’accompagnement des membres de l’équipe (compétences métiers), ainsi que les compétences émotionnelles des membres, leur capacité à traverser les phases conflictuelles, sont les éléments prépondérants de leur alliance (55%).

Les facteurs d'alliance au sein des équipes des coachs d'organisations lors des missions d'accompagnement

L’alliance avec le client

Le coaching d’organisation est souvent décidé par un niveau hiérarchique élevé dans l’organisation.

C’est une des premières alliances à créer pour l’équipe de coachs, souvent par l’intermédiaire du leader de l’équipe.

Afin d’amplifier l’accompagnement, l’équipe de coachs aura à identifier des relais dans l’organisation : équipe restreinte et motivée dans un premier temps (groupe projet, comité de pilotage…) avec qui co-construire l’intervention, pour élargir au cours de la mission à des groupes pilotes ou ambassadeurs afin de démultiplier l’accompagnement à tous les niveaux de
l’organisation (dirigeants, managers, collaborateurs).

« Les coachs ne sont pas présents dans l’organisation. Ils ne peuvent- et surtout ne doivent pas faire à la place des salariés accompagnés. » Dugois, Béon, Gauthroun 2016

L’alliance à construire est multi-niveaux dans le système client.

Lors des supervisions, outre la réflexion sur le dispositif d’intervention et les acteurs à impliquer, l’équipe se doit de regarder ce qui se passe dans sa propre alliance et y détecter les reflets systémiques.

Le décoder est une des puissances du coaching d’organisations.

Tous les superviseurs et les coachs interrogés déclarent travailler systématiquement le reflet systémique dans les supervisions.

Nous pourrions dire que le travail effectué est « centrifuge » : l’équipe regarde ce qu’il se passe en son sein mais aussi dans son travail avec son superviseur.

Elle explore ce que cela peut bien donner comme information à propos du système client ou la manière dont elle s’est faite contaminer par les processus appartenant au client.

L’analyse des reflets systémiques en ce qui concerne l’alliance n’échappe pas à la règle.

Par exemple, si l’alliance est particulièrement chahutée lors des séances de supervisions (ex : un des membres de l’équipe remet en question la légitimité du superviseur), il est intéressant d’explorer ce qu’il en est de l’alliance entre l’équipe coachs et le client.

Il est possible que le client soit en train de remettre en cause la légitimité de l’équipe de coachs ou de l’un de ses membres.

Ceci n’étant pas systématiquement un reflet systémique, il est important de se poser la question.

Beaucoup de processus en cours peuvent être des reflets mais pas toujours.

La supervision permet de le traiter et de se faire une conviction.

L’alliance entre l’équipe coach et son superviseur

L’alliance dans la supervision de coachs d’organisations jour un rôle très spécifique par rapport aux autres types de supervisions.

La supervision est indispensable pour faire équipe et grandir en tant qu’équipe dans le coaching d’organisations.

Les interviews de superviseurs ont fait émergé un élément intéressant sur le travail d’alliance. La supervision de groupes se différencie très nettement de la supervision des équipes de coachs d’organisations.

Dans la supervision de groupes, la moitié des superviseurs interrogés ne travaillent pas l’alliance avec leur groupe en tant que tel.

Elle se fait de fait. Soit grâce à la réputation préalable du superviseur auprès des coachs, soit parce que les superviseurs utilisent peu la dynamique collective dans leur travail de supervision.

On assiste alors à de la supervision individuelle en collectif.

Il en va d’une tout autre manière dans la supervision de coachs d’organisations.

Tous les superviseurs de coachs d’organisations interrogés précisent leur intention consciente de travailler l’alliance avec l’équipe. Même si dans certains cas, elle n’est pas explicitée en tant que tel dans le travail avec l’équipe.

Le superviseur la travaille en toute conscience, sans forcément mettre à jour tout ce qu’il fait.

En outre, celle-ci est un des leviers de travail sur les « poupées russes » de l’alliance dans les reflets systémiques : ce qu’il se passe chez le client se reflète dans les processus à l’œuvre dans l’équipe coachs, qui se reflète à son tour dans l’alliance entre le superviseur et l’équipe coachs.

Constitution de l’alliance entre le superviseur et l’équipe de coachs d’organisation

Selon les coachs d’organisations interrogés, les 3 éléments les plus souvent cités dans la création de leur alliance avec leur superviseur sont :

  • Les compétences de coaching du superviseur (30%)
  • Son empathie et ses qualités relationnelles (25%)
  • Sa connaissance du fonctionnement des organisations (21%)
Les éléments constitutifs de votre alliance avec votre superviseur lors de vos missions d'équipe coachs - graph 2

Ceci est largement corroboré par les superviseurs de coachs d’organisations. Certains disent créer la confiance par le relationnel, de « l’être à l’être ».

Ce n’est toutefois pas le seul élément, même si celui-ci semble prépondérant selon eux.

Les facteurs de création de l’alliance dans la supervision

Inspiré par les recherches de l’alliance dans le coaching (Grassmann, Schermuly 2020), nous avons transposé les facteurs de création de l’alliance à la supervision et en particulier, à la supervision des équipes de coachs d’organisation.

Plusieurs facteurs sont convergents avec le coaching, comme la dimension relationnelle, les compétences « métiers » et comportementales.

Toutefois, la particularité concernant la supervision réside dans sa définition même : des professionnels travaillant avec leurs consœurs & confrères.

La motivation y est moins un enjeu que dans le coaching, dans la mesure les coachs viennent en supervision de leur propre gré et selon leur propre conviction.

C’est d’ailleurs ce que confirme l’enquête auprès des coachs d’organisations. La supervision est majoritairement considérée comme une nécessité.

Motivations pour se faire superviser en tant qu'équipe de coachs - graph 3

Dès lors, nous avons retenus les facteurs qui nous semblent prépondérants en supervision.

La parité et la réciprocité

Comme nous l’avons vu, « L’alliance en supervision est bien entendu un peu particulière puisque superviseur et supervisé partagent un même savoir sur la profession » (Moral-Lamy 2015- p 154).

La capacité des superviseurs à garder une position basse et à considérer l’équipe de coachs comme ses consœurs et confrères a un impact significatif sur l’alliance au sein de la supervision.

« Une relation d’égalité est aussi essentielle pour modéliser le processus. Les neurosciences nous rappellent que l’apprentissage est efficace lorsqu’il se situe à deux niveaux : inconscient (mémoire implicite) dans le lobe limbique (comme pour la modélisation), et conscient, au niveau du cortex. Clarkson (1992) souligne que « comme nous l’apprend la troisième règle de communication de Berne, l’issue de toute transaction est déterminée au niveau caché ou psychologique. Par conséquent, la manière la plus efficace de superviser consiste à modéliser le processus souhaitable. » (p. 276) » (Mazetti 2014- p34)

C’est d’ailleurs avec cette posture que le superviseur peut orienter en toute fraternité (ou sororité !) un coach vers un travail de supervision individuelle ou thérapeutique.

La supervision d’équipe de coachs d’organisation n’est pas le lieu pour traiter les problématiques individuelles.

C’est à l’équipe que se dédie la supervision de coaching d’organisation.

Les dimensions relationnelles

Nommé dans la littérature comme la « social exchange theory (SET) » (Cropanzano & Mitchell, 2005), la théorie des relations sociales assume que « que chaque acteur est impliqué dans une série de transactions, où ils échangent réciproquement des ressources et ainsi développe une relation (Cropanzano et al., 2017). Les ressources sont, par exemple, des informations, des émotions, du soutien, de l’amour, de l’argent, des services, des biens et du statut (Foa & Foa, 1980). »

Systématiquement cité par les superviseurs interviewés, les dimensions relationnelles sont constitutives de l’alliance en supervision.

« Nous prenons du temps pour être bien ensemble » « Je crée la confiance par le relationnel (pas les outils) »

Toutefois, les superviseurs soulignent aussi leur vigilance quant aux risques de faire prévaloir la bonne entente relationnelle par rapport à la confrontation. C’est toute la subtilité de la supervision en coaching d’organisation : faire partie du système en gardant précisément à l’esprit la position méta afin d’être régulièrement « en dehors du système ».

Les compétences métiers

Cités dans les éléments majeurs constitutifs de l’alliance dans la supervision d’équipe de coachs d’organisations par les coachs eux-mêmes (graphique 2) , les compétences de coaching du superviseur ainsi que sa bonne connaissance des organisations prédominent.

Les superviseurs mentionnent aussi cette nécessité de décoder les systèmes clients. Une maturité du superviseur et une longue expérience dans les organisations sont une nécessité dans ce type de supervision.

L’un des superviseurs mentionne une courbe d’apprentissage d’au moins 5 ans afin de devenir un superviseur efficient dans le coaching d’organisation. La supervision de coaching d’organisation est plus complexe que la supervision individuelle ou collective.

Le cadre et la structure

Travailler sur un contrat clair est le socle de la construction de l’alliance.
C’est d’ailleurs la compétence 1 du référentiel de compétences de supervision de l’EMCC (juin 2009).
Essentiel dans l’Analyse Transactionnelle, le contrat permet de donner un cadre clair au travail entre le superviseur et son équipe de coachs, notamment lorsque l’équipe tangue. Elle permet la protection de l’équipe dans la supervision, lui donne des permissions afin de se dire et de prendre des risques, notamment émotionnels, et d’être puissante dans l’accompagnement de son client.

« La discussion contractuelle est un processus de compréhension et d’explication, c’est-à-dire qu’il s’agit de verbaliser les besoins du supervisé et ainsi d’établir une direction commune. Parfois, essayer de conclure un contrat occupe tout le temps de la supervision et il arrive même que ce contrat ne puisse être conclu. Par exemple, il est possible que le supervisé trouve difficile d’identifier ses besoins. Toutefois, comprendre son besoin méconnu ou mettre en lumière les raisons pour lesquelles il éprouve des difficultés à conclure le contrat peuvent déjà en soi constituer de bons résultats de supervision. » (Mazetti 2014, p 23)

La contractualisation fait émerger les besoins de l’équipe et l’amène à faire des demandes au superviseur dans une position « Adulte ».

Un superviseur cite toutefois la nécessité de s’adapter au rythme de l’équipe : « Je ne force pas la contractualisation si je sens que l’équipe est rebelle par rapport à cela. »

Par ailleurs, ce cadre permet de poser les limites de l’alliance en supervision.

« La supervision de coachs d’organisation n’est pas là pour travailler les problèmes individuels mais bien les enjeux du collectif » « La supervision individuelle est un corollaire du travail de supervision du coaching d’organisation » soulignent les superviseurs d’équipes de coachs d’organisations.

Poser ce cadre est clé afin que l’équipe de coachs soit claire sur ce qu’elle travaille à quel endroit.

En prendre conscience lui permet de se responsabiliser sur la construction de l’alliance en son sein et dans ses reflets avec le client.

La confrontation

L’alliance est nécessaire, notamment lors des moments critiques, où l’équipe doit franchir un cap.

Des peurs peuvent émerger et la capacité du superviseur est d’être à la fois un contenant de ce qu’il se passe dans le groupe, mais aussi de faire confiance à la capacité de l’équipe d’accepter les confrontations utiles à son évolution.

« Dans ces cas-là, l’existence d’une alliance thérapeutique suffisante est indispensable, comme l’est la confiance dans la solidité du pont lorsqu’il s’agit de franchir une rivière perçue comme menaçante. » (Nasielski 2012)

Il en va de même dans la supervision de coachs. En particulier, dans la supervision de coaching d’organisation.

« Le coaching d’organisation est dur. Les coachs doivent supporter la violence et les jeux de pouvoirs des organisations. En tant que superviseur, nous devons absorber la violence des systèmes » mentionnait un superviseur lors d’une interview.

Un autre parlait « d’animalité des systèmes clients ». Cette « dureté » amène le superviseur à confronter une posture éventuelle de victimisation de l’équipe vis-à-vis de la violence du système client.

Autant le savoir, le coaching d’organisation est rude et les coachs sont aussi les réceptacles de cette rudesse.

Toutefois, la confrontation alimente l’alliance quand cette confrontation est faite en posture Adulte (de l’Analyse Transactionnelle) et menée en position basse.

Dire de soi

Le « self disclosure » ou divulgation de soi, tient un rôle prépondérant dans la construction de l’alliance selon les superviseurs interviewés.

C’est bien là la spécificité de l’alliance en supervision : des professionnels travaillent avec des professionnels exerçant le même métier et la parité est à l’œuvre comme nous l’avons vu.

De ce fait, partager son vécu, son ressenti et ses doutes est très importants dans la constitution de l’alliance.

« Je donne des informations de ma vie personnelle », « Je partage beaucoup de moi : mes clients, ma vie, mon évolution » ont évoqué les superviseurs.

La capacité à se montrer vulnérable et comment le superviseur vit les situations renforce l’empathie mutuelle nécessaire à l’alliance.

De plus, la supervision aura un plus grand impact si le superviseur partage son ressenti dans l’instant sur ce qu’il ressent dans le travail en cours.

« Je ne suis pas tranquille avec ce que vous voulez faire » me racontait un superviseur lors de son travail avec une équipe coachs.

A quoi sert l’alliance en supervision d’équipe de coachs d’organisation ?

Plusieurs passages sont cruciaux dans les équipes de coachs d’organisations.

Ce sont principalement lors de ces passages que la supervision des équipes de coachs démontre son efficacité.

La qualité de l’alliance entre le superviseur et l’équipe de coachs d’organisations jour alors ici pleinement son rôle afin de traverser les phases délicates de la vie d’équipe.

La phase amont de la mission

La constitution de l’équipe et la prise de contact avec le client sont des étapes importantes. Cette phase permet aux coachs de se choisir et de commencer à travailler ensemble dans un but commun.

Le travail de supervision d’équipe de coachs ne démarre en général pas à cette étape, à moins d’un enjeu particulier, qui nécessite d’être regardé.

La supervision serait plutôt individuelle si l’un des membres en ressentait le besoin. Toutefois, même si le travail de supervision est amorcé une fois la mission contractualisée, un démarrage mal engagé aura des impacts sur la suite de la collaboration et sera probablement l’objet de la supervision de l’équipe.

Une collaboration initiée dans la douleur impactera le travail de supervision et de constitution de l’alliance dès ses débuts. Clairement en la rendant plus difficile, car les énergies seront focalisées sur la gestion de l’urgence à traiter & l’alliance mettra plus de temps à émerger.

Le démarrage de la mission et la constitution des alliances

L’alliance sera multi-niveaux chez le client et il sera alors nécessaire pour l’équipe de trouver des points d’appui dans le système avec la constitution éventuelle d’une équipe projet interne.

A ce stade, le risque pourrait être de rentrer trop vite dans l’opérationnel.

La supervision permet d’amorcer les prises de recul nécessaires pour comprendre les enjeux de la mission tant vis-à-vis du client qu’au sein de l’équipe de coachs.

Pour l’équipe, cette étape est aussi le moment de différencier son imago, de partager ses ressentis et pour chacun de trouver progressivement sa place : de travailler sa propre alliance.

Pour le superviseur et l’équipe, ce sera le travail sur les reflets systémiques entre les 3 niveaux d’alliance (client/ équipe/superviseur).

La collecte des besoins et la formulation de la demande

Le diagnostic de l’organisation va faire émerger des besoins multiples, parfois contradictoires.

Les informations collectées et les demandes vont être nombreuses et l’équipe touche au nœud du coaching d’organisation : la surabondance d’informations (« overflow ») et la complexité des enjeux du système client.

S’aligner sur la vision, décider d’un parti pris, de la porte d’entrée de l’accompagnement, faire émerger la demande chez le client sont alors les temps forts.

Le travail de supervision permet de faire le tri, de décider de l’approche de l’équipe et de commencer à nettoyer ce qui émergerait.

L’alliance de l’équipe de coachs avec son superviseur permet de faire « corps ».

Comme un superviseur l’a mentionné lors des interviews : de passer un pacte.

Le superviseur et l’équipe de coachs forment un écosystème qui travaille pour le client.

Lorsque le client passe des moments critiques

Plusieurs moments critiques au cours de la transformation d’une organisation sont rencontrés lors des missions d’accompagnements.

« L’équipe de coachs est très clairement parasité par ce que ce qui passe chez le client. » mentionnait un superviseur interviewé.

Par exemple, lorsque l’une des parties du système veut évoluer et une autre partie ne veut pas bouger. Des leaders historiques de la culture font face à des leaders venant de l’extérieur, le choc peut être frontal et brutal.

Selon les forces en présence, l’organisation peut revenir à son homéostasie en reprenant sa place initiale.

La supervision est essentielle car elle permet à l’équipe d’explorer les reflets systémiques avec le système client.

C’est alors que l’alliance dans la supervision est au cœur du réacteur. Le superviseur est un contenant pour l’équipe de coachs et lui permet de vivre les coups durs.

La fin de la mission

Les équipes coachs sont amenées à se retrouver sur d’autres missions. D’ailleurs, 50% des coachs d’organisation interrogés précisent qu’ils travaillent de manière récurrente avec les mêmes confrères et que les piliers des équipes, au sein desquelles ils travaillent, sont toujours les mêmes.

C’est pourquoi, une mission est importante à clôturer.

Travailler en supervision sur les peurs de séparation, de la manière dont on souhaite se rappeler de cette mission, de ce que l’équipe a appris sur elle-même et le degré de frustration qu’elle est prête à supporter, permet de consolider un capital important pour la mission suivante.

L’alliance avec le superviseur, en capacité d’accompagner les émotions qui traversent l’équipe, est constitutive de son apprentissage.

Comme nous pouvons le constater, l’alliance entre le superviseur et l’équipe de coachs sera très sollicitée et devra se réactualiser en permanence tout au long de la supervision.

C’est un organisme vivant, fragile qui peut est endommagée à plusieurs reprises.

Une bonne alliance permet une supervision de qualité et un meilleur accompagnement dans le système.

Conclusion

Du fait de la complexité des systèmes, la supervision des équipes de coachs d’organisations est indispensable.

Les coachs d’organisations l’ont bien compris, non seulement en ayant une conviction forte sur ce sujet et en y faisant appel.

Ce qui est très rassurant concernant la pratique du coaching d’organisation pour le système client. Il bénéficie d’une équipe professionnelle qui analyse ses pratiques.

L’alliance au sein de l’équipe de coachs reste principalement la responsabilité de l’équipe, ce qui demande une expérience conséquente dans le fonctionnement collectif.

Le superviseur joue, quant à lui, un rôle actif tant pour travailler son alliance avec l’équipe de coachs d’organisation que d’analyser ce qu’il se passe avec le client.

Le rôle de méta du superviseur permet de mettre à jour d’éventuels reflets systémiques dans l’alliance entre les 3 niveaux (client/équipe/superviseur).

Le reflet systémique fait d’ailleurs l’objet d’un travail lors de toutes les supervisions.

Les compétences, tant professionnelles que relationnelles du superviseur, sont critiques dans la constitution de l’alliance avec l’équipe de coachs, et une impérative connaissance du fonctionnement des organisations en fait la spécificité dans la  supervision de coachs d’organisations.

La supervision est particulièrement utile dans la coaching d’organisations, du fait de la vie en équipe, et des étapes de son développement, proche de celles d’une équipe classique dans les organisations.

L’alliance de qualité en supervision permet au superviseur d’être un contenant solide lors des turpitudes de l’équipe.

De ce fait, le superviseur absorbe beaucoup de violence des organisations à travers l’équipe de coachs.

Cela pose la question de la supervision des superviseurs et un travail de recherche sur la supervision de superviseurs dans le coaching d’organisation aurait tout son sens.

De tous les superviseurs interrogés dans ce présent travail, tous ont déclaré être en supervision ou en travail thérapeutique.

Nous pouvons nous poser la question d’où s’arrête les poupées russes !

La supervision de superviseurs amène-t-elle les superviseurs de superviseurs à se faire superviser et ainsi de suite ?!

Le risque est bien évidemment un surinvestissement dans ce qui concerne la profession avec un centrage sur soi au détriment du client.

L’énergie dépensée dans un certain entre soi pourrait-elle être au final dommageable au client ?

Références

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Devillard (2019) Methodes de coaching d’organisation pour piloter le changement – Editions Eyrolles

Dugois, Béon, Gauthroun (2016) – La transformation permanente- Edition EMS

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Vergonjeanne F. (2015) – Coacher groupes et organisations- Interédition

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